La mobilité en Ile-de-France a bien été mesurée pendant les périodes de confinement et assouplissement et les enquêtes du collectif INOV360 y ont amplement contribué, mais qu’en a-t-il été ailleurs ? Juan Manuel DOMINGUEZ LOPEZ et Jean CALIO de SNCF Réseau en Ile-de-France vous proposent ce petit pas de côté.
Comparaison du trafic en Ile de France et à l’international pendant la crise
L’application de mobilité urbaine Moovit réalise depuis le début de la crise sanitaire un suivi de l’évolution de la fréquentation des transports collectifs dans plusieurs villes du monde, par rapport à une période considérée comme « normale » et qui est définie pour chaque ville.
Si on se focalise sur les plus grandes villes des 5 plus grands pays européens (Paris, Londres, Madrid, Milan et Berlin), ainsi que New York et Tokyo et la deuxième plus grande ville française (Lyon), les évolutions depuis début 2020 jusqu’à présent sont les suivantes :
Figure 1 : Comparaison du taux de fréquentation des transports en commun urbains dans 7 métropoles (5 européennes et extra-européennes), sur la période de janvier 2020 à aujourd’hui. Source : Moovit Public Transit Index
Parmi les métropoles, Paris est, après Tokyo, la ville avec la démobilité la plus accusée (environ -60 % fin avril par rapport à la référence de février 2020), ce qui s’explique par une politique de fermetures drastiques. A Madrid, où le couvre-feu avait été fixé à 23 h en octobre, lors de la deuxième vague de contaminations, et où les musées, théâtres ou restaurants sont restés ouverts depuis le déconfinement du printemps 2020, la baisse de la fréquentation a été très limitée et même parfois un trafic plus élevé qu’à l’habitude.
La plupart des villes ont appliqué des restrictions semblables en ce qui concerne les transports collectifs, notamment le port du masque obligatoire. Dans ce sens, la Suède a constitué une exception qui mérite une analyse particulière, étant donné que ce n’est qu’à partir de décembre 2020 qu’elle a recommandé (la constitution suédoise est ainsi faite qu’elle ne peut l’imposer) le port du masque à l’heure de pointe, à un moment où le pays vivait sa deuxième vague. Le pic de cette deuxième vague a été atteint le 23 décembre (11.376 contaminations notifiés en 24 h, 8.875 lors du pic de la troisième vague le 13 avril). Les données fournies par Moovit pour Stockholm sont les suivantes :
Figure 2 : Fréquentation des transports collectifs à Stockholm pendant l’épidémie de Covid-19
On constate à Stockholm une démobilité moins marquée que dans les autres villes étudiées, exception faîte de Madrid.
La comparaison avec Londres…
Nous nous sommes ici focalisés sur la métropole londonienne, vrai alter ego de la métropole parisienne. Un document publié par Transport for London l’année dernière, Travel in London, report 13, indique que, lors du premier confinement, plus de 50 % des Londoniens avaient réalisé la totalité de leur travail depuis leur domicile et presque 70 % y avaient réalisé au moins une partie. La prévision pour la fin de l’année 2020 était à l’époque d’environ 20 % télétravaillant complètement et 50 % partiellement. A titre de comparaison, l’enquête-panel d’Inov360 a trouvé environ 50 % de télétravailleurs (exclusifs ou non) parmi les occupés franciliens dans ses volets de juillet, septembre et janvier derniers.
La question clé de la confiance sanitaire
Un sujet majeur à l’heure de guider la stratégie des exploitants des transports collectifs concerne le sentiment de sécurité au sujet d’une éventuelle contamination. Même si les études publiées jusqu’à présent (par exemple ce rapport publié en mars 2021 par l’Institut Pasteur) ne constatent un sur-risque d’infection dans les transports collectifs, ce ressenti subjectif conditionne en pratique leur utilisation. Une enquête menée par le CEREMA et Mobil’homme dans les Hauts de France en avril et mai 2020 indiquait que près de 91 % des enquêtés n’étaient pas d’accord avec la phrase «dans les transports publics, je me sens en sécurité pour ma santé». Inov360 trouvait 80% des enquêtés qui entre avril et mai 2020 donnait un indice de confiance sanitaire entre 0 et 6 sur 10.
A ce sujet, Transport for London a utilisé une modélisation multi-agent pour étudier la relation entre la demande de transport collectif et la perception individuelle de risque d’infection par SARS-CoV-2. L’exercice supposait que toutes les restrictions soient assouplies, mais que l’insécurité liée au virus persiste, en absence de vaccin.
Les courbes ont une forme en «S», plus accusée dans le cas du centre de Londres. Cette forme montre que les efforts initiaux pour encourager le retour des usagers peuvent avoir des résultats relativement médiocres, alors que, à des niveaux de faible risque perçu, le taux de retour est également en retard sur la réduction du risque, ce qui exprime l’existence d’un groupe très réfractaire à l’idée de revenir dans les transports collectifs.
Figure 3 Étude de la relation entre l’utilisation des transports collectifs et la perception individuelle de risque d’infection par SARS-Cov-2 dans l’agglomération londonienne.
Malgré les preuves scientifiques, les transports collectifs étaient perçus comme des endroits plus risqués que les restaurants, les magasins, les salles de sports ou les lieux de travail et éducation. Il y a donc matière à rassurer davantage profitant aussi du fait que le respect du port du masque y a été un succès considérable.