Organisation du travail

Cette section qui s’appuie sur nos 5 volets d’enquête de juin, juillet, septembre 2020 et janvier et juillet 2021, a pour objectif de présenter les bouleversements que la crise sanitaire a eu et continue d’avoir sur les habitudes de travail des Franciliens. L’étude de l’organisation du travail au fil des confinements et déconfinements successifs suggère que la pratique du télétravail est devenue pérenne et pourrait avoir des conséquences durables sur les déplacements domicile-travail à l’origine des congestions des systèmes de transport franciliens en heure de pointe.

Evolution de la pratique du télétravail :

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Avant l’épidémie, une pratique ponctuelle du télétravail :

Avant l’épidémie de Covid-19, la pratique du télétravail était minoritaire en Ile-de-France. Elle était plus développée à Paris (27%) qu’en grande couronne (20%). Le télétravail était néanmoins beaucoup plus répandu pour les CSP+ (32%) que dans les autres catégories socio-professionnelles (7%), ce qui peut s’expliquer par des types de métiers qui se prêtent plus à sa pratique.

Lorsque le télétravail était autorisé par l’employeur, il était avant tout occasionnel, 4 à 6 jours par mois dans 40% des cas, bien qu’à Paris la pratique régulière du télétravail (2 jours ou plus par semaine) était plus fréquente.

Une forte progression de la pratique du télétravail depuis la crise :

Avec le premier confinement, la pratique du télétravail s’est généralisée afin de répondre aux règles sanitaires. Depuis, cette organisation du travail n’est plus revenue aux seuils d’avant crise malgré les déconfinements. Elle semble au contraire s’être démocratisée et fluctuer en fonction des restrictions sanitaires. 

Néanmoins, il était encore trop tôt pour se prononcer sur la pérennité de ce nouveau mode d’organisation du travail.

Il existe de fortes disparités entre Paris et le reste de la région :  42,7% d’activité en distanciel dans la capitale, contre 39,8% en grande couronne.

En juin 2020, un mois après le premier déconfinement, une minorité (23%) de Franciliens avait complètement repris leur activité en présentiel. A l’inverse, 36% continuaient à travailler dans un format mixte et 41% n’étaient pas retournés sur site. Ces chiffres étaient plus marqués pour les CSP+ : 44,9% à distance contre 34,5% pour les CSP-.

En juillet 2020, après la levée des restrictions sanitaires, 50% des répondants franciliens télétravaillent au moins 1 jour par semaine alors qu’avant l’épidémie la pratique régulière du télétravail ne concernait que 13% des travailleurs en Ile-de-France. Cette organisation du travail illustre les inquiétudes sanitaires encore persistantes à cette période de l’année.

En septembre 2020, après les congés d’été et un retour à la normale pour une majorité de français, la pratique du télétravail est restée nettement plus élevée qu’avant crise. La majorité des répondants télétravaille 2 jours par semaine. Cela suggère, qu’un rythme de télétravail s’est structuré autour de ce rythme hebdomadaire,  indépendamment des mesures sanitaires. 

En septembre 2020, l’organisation du travail mixte, offre un bon équilibre de trois jours en présentiel et deux jours à distance par semaine.  Ce rythme répond aux souhait des salariés ce qui suggère qu’il résulte d’un accord avec l’employeur. 

Dans le même temps, les différences dans la pratique du télétravail en fonction des catégories socioprofessionnelles se sont creusées. En effet, il était pratiqué par 69% des CSP+ contre 27% des CSP – . Cela s’explique en partie par l’activité des CSP+ plus souvent tertiaire et adaptée au travail à distance que celle des CSP-.

En janvier 2021, alors que le couvre-feu est instauré à 18h, le télétravail, recommandé par le gouvernement, est imposé à 52% des travailleurs franciliens.  Pour 37% des répondants, il s’agit de leur unique forme d’organisation du travail, tandis que 63% des Franciliens travaillent à la fois en télétravail et sur leur lieu de travail habituel. Néanmoins, ces chiffres cachent des disparités : c’est le mode de travail de 62% des parisiens et 57% des habitants de la petite couronne contre 46% des habitants de la grande couronne.

Cette organisation du travail est encore nouvelle et la création d’un cadre contractuel est nécessaire afin de la stabiliser. Les entreprises devront donc construire une politique de télétravail, idéalement en essayant de prendre en considération les envies de leur collaborateur. Néanmoins il est très probable que, pour des raisons d’organisation, la pratique du télétravail perde une partie de sa flexibilité actuelle et soit plus communément imposée par l’entreprise, comme c’était le cas pour 14% des personnes interrogées.

Au début de l’année 2021, la pratique du télétravail s’est  également intensifiée par rapport aux chiffres enregistrés au mois de septembre 2020. Cela s’explique par la nécessité de télétravailler face à la recrudescence de l’épidémie mais ne semble pas correspondre aux souhaits des répondants franciliens. Ainsi, 63% d’entre eux voulaient réduire le nombre de jours télétravaillés.

Cela indique que bien qu’il soit possible d’intensifier l’intensité hebdomadaire du télétravail pour répondre aux impératifs sanitaire, la majorité des répondants souhaitent retrouver un rythme équivalent à celui de Septembre 2020. 

En juin 2021, alors que la majorité des contraintes sanitaires avaient été levées, 59% des Franciliens interrogés télétravaillaient au moins un jour dans la semaine, ce qui traduit un développement de cette pratique qui était encore très minoritaire avant la pandémie de Covid-19.

Conformément aux souhaits des collaborateurs que nous avions enregistré lors des enquêtes précédentes, en dehors des périodes de crise aigüe, la pratique du télétravail est mixte. Cette organisation du travail permet de répondre aux inquiétudes des répondants franciliens qui exprimaient un sentiment d’isolement pendant les confinements successifs.

Lors de notre dernière enquête de janvier 2021, la pratique du télétravail s’était intensifiée avec la recrudescence de l’épidémie, amenant 57% des répondants à télétravailler plus de 2 jours par semaine. A l’époque, 63% d’entre eux déclaraient vouloir réduire le nombre de jours télétravaillés. Le choix des jours de télétravail était cependant libre pour 61% des interrogés.

En juin 2021, avec la levée des restrictions sanitaires, l’organisation du télétravail semble être en voie de normalisation : la majorité des répondants (60%) télétravaille entre 2 à 3 jours par semaine, ce qui correspond au ratio de jours à distance le plus apprécié. L’organisation du télétravail est également de plus en plus maitrisée par les employeurs. En effet, le choix de jours est moins souvent libre (49%) qu’en janvier et plus fréquemment organisé par le manager.

Transformation de l’environnement de travail :

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L’intensité du télétravail corrélée aux restrictions sanitaires :

Une métamorphose de l’environnement de travail depuis le premier confinement :

Le confinement a touché plus durement les CSP- dont 35% de l’activité s’est interrompue contre 12,5% pour les CSP+

Pendant le premier confinement, le télétravail représentait 56% de l’organisation du travail en Ile-de-France.

L’emploi sur site a perduré pour 17% des Franciliens tandis que 22% des activités se sont interrompues. Si ce dernier chiffre en valeur relative est homogène pour l’ensemble de l’Ile-de-France, il représente une perte d’emploi plus importante à Paris en valeur absolue.

Des changements de l’organisation du travail depuis le premier confinement :

Entre septembre 2020 et janvier 2021, la part des Franciliens uniquement en télétravail à domicile a progressé de 12% à 37%

Entre septembre 2020, après le premier confinement et janvier 2021, après le deuxième confinement, on assiste à un recul de la pratique du travail mixte (télétravail + bureau) et une progression du télétravail uniquement.

Conséquences de la qualité de la connexion sur les conditions de travail  à domicile :

Les outils numériques ont pris une importance encore plus capitale au moment du premier confinement de 2020. Les outils d’appels vidéos comme Teams, Zoom ou Skype étaient largement utilisés par les Franciliens en télétravail (à 69%).

Par ailleurs, il est à souligner que 16% des répondants franciliens qui télétravaillent sont gênés par la qualité de leur connexion internet pour travailler dans de bonnes conditions.

Appétence et opportunité de travailler depuis un tiers-lieu :

Un tiers-lieux offre la possibilité de travailler dans un espace autre que le lieu de travail habituel ou le domicile. Il constitue l’opportunité d’avoir accès à un environnement de travail plus proche de son domicile, tout en bénéficiant d’un meilleur environnement de travail.

On observe, en juillet 2020, qu’une partie marginale des répondants franciliens (2%) se rendaient parfois dans un tiers-lieux. Malgré tout, 1 répondant sur 3 pourrait envisager de s’y rendre, ce qui illustre son potentiel grandissant. Il est à noter qu’un tiers également n’a pas cette possibilité car l’activité professionnelle ne s’y prête pas.

Le télétravail facteur de remise en cause du travail en présentiel ?

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Le souhait largement partagé de trouver un équilibre entre présentiel et distanciel :

A la question « pourquoi souhaitez vous retourner sur votre lieu de travail ? » 72% des interrogés nous ont affirmé que le travail en présentiel facilite les échanges professionnels et 57% qu’il contribue au lien social.

En juin 2020, la majorité des actifs franciliens considérait la reprise de l’activité en présentiel utile voire indispensable.

Lors de notre première enquête, 59% des interrogés avaient repris une activité en présentiel au moins partielle. Cette volonté de retourner sur le lieu d’emploi s’est renforcée tout au long de l’année 2020. Ainsi en septembre 2020, 60% des télétravailleurs souhaitaient retourner sur leur lieu de travail.

La pratique du télétravail, facteur de productivité et de confort pour les Franciliens :

En septembre 2020, 80% des interrogés considéraient que les contraintes en entreprise favorisaient le télétravail.

Néanmoins,  des facteurs plus structurels comme la distance du domicile au lieu de travail constituent un facteur explicatif important. Les individus situés à moins de 10kms de leur lieu de travail sont favorables au retour en présentiel à 65% contre 53% des interrogés domiciliés entre 20 et 30kms de leur emploi. Dès lors, le télétravail est perçu par les salariés comme un moyen de réduire le nombre de déplacements pendulaires, des trajets d’1h30 en moyenne en Ile-de-France, contre 1h dans le reste de la France.

En outre,  le télétravail est plébicité pour des raisons circonstanciées à l’épidémie de Covid-19. Ainsi, lorsque nous lorsque nous avons cherché à identifier les éléments qui favorisent le travail à distance en juin 2020, les répondants désignaient les contraintes liées au travail en présentiel en contexte épidémique, et d’autre part l’efficacité du travail à distance.

La pratique du télétravail, un motif potentiel de mobilité résidentielle :

On observe un double effet générationnel et spatial qui influe sur le statut d’occupation du logement du répondant. Les tranches d’âge supérieures sont plus propriétaires que les plus jeunes et les Franciliens de grande couronne le plus que ceux de petite couronne et de Paris.

Le souhait de déménager en raison de la crise sanitaire est un peu plus marquée chez les 25-34 ans qui habitent à Paris dans la mesure où ils sont locataires. Le principal facteur d’explication réside dans l’impact du télétravail et des confinements. 

La pandémie de Covid 19 ne semble pas avoir d’effet majeur sur les projets de déménagement des Franciliens. Ainsi, en juin 2021, à la question « allez-vous déménager dans les prochains mois ? » 58% des interrogés répondent ne pas avoir fait de projet de déménagement.

Qui plus est, pour les 28% de répondants souhaitant déménager en Île-de-France ou en dehors, plus de la moitié affirment que ce projet de déménagement était antérieur à la pandémie et 20% expliquent ce projet par une raison déconnectée de la crise de la Covid-19. Par conséquent, la pandémie, quand elle est un facteur explicatif, est rarement un déclencheur mais plus souvent un accélérateur du changement de localisation du domicile.